Ce mois-ci au moment de vous présenter notre bénévole du mois, nous avons souhaité rendre hommage à Natacha Combier, partie dans la nuit du 8 février dernier, présidente et cofondatrice de Champ Libre, une association parmi nos plus fidèles partenaires depuis sa création en 2013, dont l’objet est le rétablissement du lien social entre le public détenu et l’extérieur.

C’est avec beaucoup d’émotions que nous souhaitons lui rendre hommage en partageant avec vous les souvenirs de nos découvertes du monde des détenus, à ses côtés et ceux des bénévoles de Champ Libre.

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Passionnée de peinture et d’astrophysique, Natacha est chercheuse titulaire d’une thèse sur « l’influence du rayonnement cosmique sur l’albedo »… hmmm…oui ? Elle décide de fonder Champ Libre en 2013, pour amener l’art et la science aux personnes détenues. Une association qu’elle portera bénévolement jusqu’à aujourd’hui.

Décembre 2013, Natacha forme une petite fournée de Danse-en-Seiners sur le milieu carcéral, avant de nous accompagner personnellement à nos séances à la maison d’arrêt de Bois d’Arcy. Au printemps 2014, pour la première fois nous amenions la danse en prison ! A l’origine il n’était pas du tout prévu de danser, nous avions obtenu l’autorisation pour un cycle de conférences sur la danse… vous vous en doutez la conférence était plus corporelle qu’autre chose !

« Natacha poussait chacun à se dépasser »

Orianne faisait partie de cette première équipe Bois d’Arcy elle nous partage quelques unes de ses anecdotes :

Quand nous avons lancé le premier cycle de danse, à la création de Champ Libre, Emmanuelle qu’on connaît pourtant très bien dans sa forte exigence sur les projets artistiques m’a surprise par la pression qu’elle se mettait ! Il ne fallait pas prendre le risque de décevoir Natacha et tout mettre en œuvre pour honorer sa confiance par un engagement et un professionnalisme exemplaires ! Aucun autre projet n’a été aussi bien anticipé et préparé je crois ; )

En en parlant avec les autres bénévoles et aussi après avoir écouté les hommages lors de la cérémonie pour son départ, il me semble que Natacha impressionnait ses pairs et les poussait à se dépasser.

Un souvenir… dans la voiture vers notre atelier à Bois d’Arcy. Une discussion très matinale sur les détenus, les difficultés qu’on peut avoir, en tant que personne avec son propre vécu et sa sensibilité, à être empathique avec le prisonnier, à pardonner certains actes et à accepter que le condamné a payé sa peine avec un droit de redémarrer une vie, normale.  Je l’interroge sur ses « limites ». Sa tolérance et son amour inconditionnel pour l’être humain m’ont surprise, m’ont laissé une forte impression et m’ont permis d’engager un nouveau cheminement sur moi même. » ajoute Orianne.

Les projets se sont ensuite poursuivis, et reconduis en 2015 en assumant complètement que nous proposions désormais la pratique de la danse aux détenus ! L’association Champ Libre en plein développement grâce à une équipe de choc et les intervenants Danse en seine de plus en plus autonomes.

« Elle faisait comme chez elle ! »

Natacha m’a amenée et guidée pour la première fois à la prison de bois d’arcy. J’ai été entraînée par son énergie. Elle faisait (autant qu’elle le pouvait) comme chez elle : à l’accueil, dans les couloirs et les bureaux et dans la salle dédiée à ce moment d’échange avec les détenus, en la réaménageant énergiquement. Et puis on peut dire qu’elle dégageait une certaine autorité pour mener à bien l’atelier, et cela tout en étant assez proche des détenus : je me rappelle la voir faire quelques pas de salsa avec l’un d’entre eux. C’est comme si avec elle, j’avais ressenti ce que voulait dire « ne pas s’empêcher » et cela curieusement, dans un lieu de privation de liberté.  » raconte Anne-Sophie responsable du projet Danse et Détention du côté de Danse en Seine en 2015.

J’ai rencontré Natacha à l’occasion d’une réunion Champ Libre. Quand je suis arrivée à leur QG, je me souviens d’elle allongée et 100% présente et investie durant toute notre réunion. Elle m’a laissé le souvenir de quelqu’un de déterminé, qui ne se laisse pas marcher sur les pieds. J’ai aussi un flash d’un échange autour de la tenue à adopter en prison et notamment d’un soutien-gorge à armature ou pas pour éviter de biper ! » se souvient Géraldine

« Attention aux soutien-gorges à armature pour ne pas biper ! »

Et ça continue puisque juin dernier Léonard emmenait à nouveau une équipe à la maison d’arrêt pour la session 2017 :

Je n’ai pas eu la chance de la rencontrer mais ce qu’elle a lancé avec l’association Champ Libre est très beau. Un projet mené et présenté avec ferveur aux nouveaux arrivants, dont je faisais partie l’année dernière (juin 2017). Créer du lien par la culture, le savoir, l’art entre le monde carcéral du dedans et le monde du dehors. Se laisser surprendre et apprendre de ces jeunes et moins jeunes, apprendre à recevoir. Sortir de son quotidien et voir plus large, offrir l’occasion de rencontres avec l’inattendu. Voilà, une belle invitation que Champ Libre m’a offerte.  » Lucie

« L’énergie qui fait dépoter les projets »

Léonard quant à lui, suite à son expérience en 2015 a rejoint l’association champ libre en tant que bénévole. « Notre ressource commune ! » comme aimait le préciser Natacha à Emmanuelle. Il nous raconte son expérience :

Etant aussi bénévole à Champ Libre, j’ai connu Natacha. C’est même la première personne que j’ai rencontrée quand je suis venu à l’AG Champ Libre il y a un an pour lancer à nouveau les ateliers Danse en Seine en prison avec Champ Libre.
Natacha était une personne très énergique et je me rappelle qu’elle n’hésitait pas à nous titiller pour qu’on se bouge pour la mise en place des ateliers. C’est vrai que j’arrivais la bouche en cœur avec juste l’envie de remonter ces ateliers et l’enthousiasme de quelques danseuses de Danse en Seine, mais pas vraiment plus que ça. Et là, quelques jours après (on était en mars), Natacha me propose des dates pour intervenir en avril ! Donc ça a été le branle-bas de combat avec Victorine ma co-pilote Danse en Seine, et finalement on a pu obtenir un petit délai pour pouvoir réunir les danseuses, répéter et se préparer. Les ateliers ont finalement eu lieu en juin et juillet.
C’est ça que j’ai envie de retenir de Natacha : l’énergie qui fait dépoter les projets. Et puis elle avait toujours ce regard coquin quand elle souriait, de ceux qui donnent une profondeur chaleureuse aux visages radieux.
C’est bizarre, j’ai du mal à écrire à l’imparfait.  » nous confie Léonard

bois de rosas

Qu’est-ce qui fait de la danse un vecteur de liberté, cet élément qui abolit la prison ? C’était le sujet de Léonard qui à partir des ateliers de reprise de Rosas avec les détenus, a mené une seconde phase du projet hors de la prison : la création d’une forme chorégraphique fondée sur ces ateliers, sur le ressenti des bénévoles danseurs qui y ont participé ainsi que sur les échanges entre eux et les détenus. Il crée la pièce Bois de Rosas (de la contraction du nom Bois d’Arcy et Rosas). Une pièce destinée à faire connaître la pratique de la danse dans et hors de la prison, représentée sur scène aux 5 ans de l’association.

« Princesse, Rebelle, Chercheuse, Artiste, Leader, Aventurière, Indépendante »

Natacha Combier

Ces yeux pétillants et débordant d’intelligence ont porté plus d’un bénévole et de projets. Aujourd’hui la danse, dedans et dehors, continue avec une pensée particulière pour Natacha dont nous transmettrons les valeurs et la détermination. On en attend des plus belles avec Champ Libre pour les prochaines années !

Nos pensées émues vont à sa famille et son association, nous sommes de tout coeur avec vous.

Toute l’équipe de Danse en Seine

Lecture !  Nous avons concocté le best-of de nos récits des tous ces projets ensemble… à relire sans modération :

Premier atelier danse à la maison d’arrêt du Bois d’Arcy en préparation
Retour sur le 1er atelier à la prison du Bois d’Arcy Samedi 15 mars
4ème rencontre dansée à la maison d’arrêt de Bois d’Arcy
Atelier à la Maison d’Arrêt du Bois d’Arcy le 22 mars
Atelier Danses Traditionnelles à la Maison d’Arrêt de Bois d’Arcy
Chairs incarcérées : une exploration de la danse en prison – rencontre avec Sylvie Frigon et Claire Jenny
Danse en Seine lance sa série d’ateliers en prison
Dance is the new Black