Les portes s’ouvrent et se referment derrière vous. Des grandes clés en fer, de grandes grilles du sol au plafond éclairées par la lumière artificielle. Vous êtes à la Maison d’Arrêt du Bois-d’Arcy. Une forteresse enfoncée dans le sol, toute de béton et de barbelés. Et de vie aussi.

Tout le mois d’avril, huit bénévoles de Danse en Seine se sont succédés le samedi matin pour animer des ateliers danse en prison, menés par Léa, de l’association Champ Libre. Avec un peu de théorique, mais surtout beaucoup de pratique, les quatre matinées ont été consacrées à transmettre le travail d’Anne Teresa de Keersmaeker.

Avant d’entrer, il y a l’arrivée jusqu’à la salle : « marche depuis le RER, portail, marche dans l’enceinte dehors, identité, casiers, portique, couloir, bip porte, escalier, bip porte, gardien » entonne Yolaine. Pour certains, c’est la première fois, pour d’autres une sensation renouvelée : « C’est la deuxième fois que j’anime un atelier à Bois-d’Arcy. La première fois, j’avais été très marquée par l’odeur : un mélange d’aseptisé et de transpiration. Cette année, la sensation est encore indemne : on sent cette volonté de lisser et le vivant qui persiste », se souvient Camille. Pour les « nouveaux, c’est la salle des machines qui marquent les esprits : « magistrale, cinématographique, labyrinthe raisonnant » nous décrit Mathilde. Un contraste d’autant plus saisissant quand vous entendez la surveillante saluer son collègue d’un « bisou sur la fesse gauche ».

« C’est fantastique lorsqu’à la fin de l’atelier on les voit sur les chaises, fiers de connaitre les mouvements, de les avoir modifiés et de danser tout simplement. La beauté du mouvement dans ces moments-là suspend le temps et j’étais en admiration devant ces hommes plein de vie. » explique Camille. Et les bénévoles ne tarissent pas d’adjectifs pour décrire les détenus : « à l’aise, bavards, polis, curieux, drôles, enthousiastes, intelligents, disciplinés, touchants », mais aussi « impliqués, ouverts, souriants et volontaires » et « créatifs, imaginatifs et attachants ». Et puis la surprise aussi : « je ne m’attendais pas à ce que la pratique de la danse contemporaine plaise autant, qu’ils se prêtent si facilement au jeu » commente Anne-Sophie.

L’atelier pratique s’articule autour de la transmission de Rosas danst Rosas, mais dans une version adaptée : les détenus proposent leurs mouvements, leur propre rythmique, et font même des impros. « Ils ont aussi donné beaucoup d’idées et pris à la fin pas mal d’initiatives » sourit Elsa.

Les bénévoles quittent le lieu avec « la frustration de ne pas pouvoir les emmener plus loin de ce travail, alors qu’ils en ont tous les capacités et l’envie » comme le dit Léonard, mais aussi « la force lorsqu’ils dansent tous ensemble ». L’écureuil frappe à la porte, on se sert la main, on se dit au revoir, et on repart à son quotidien. Le leur est une cellule partagée de quelques mètres carrés.

En savoir plus : Danse & Détention, les autres projets solidaires de Danse en Seine, Champ Libre.