En cette journée dédiée à l’Amour et aux amoureux, revenons sur Orphée et Eurydice (1975), ballet de Pina Bausch nous racontant l’amour inébranlable pouvant exister entre deux êtres sur une partition magnifique de Christophe W. Gluck.

 

Pour mettre en scène ce mythe tragique, Pina Bausch invente un genre nouveau, l’Opéra dansé. Ainsi, tandis que le chœur est dissimilé dans la fosse de l’orchestre, les solistes évoluent sur scène, au milieu des danseurs. Orphée, Eurydice et l’Amour sont donc dédoublés et utilisent langage du corps et chant pour exprimer leurs différentes émotions, complexes et profondes, rassemblées quatre tableaux : Deuil, Violence, Paix, Mort.

Deuil

Surplombant la scène, Eurydice gît dans son linceul tandis qu’un groupe de danseurs évolue sur scène. Fluidité extrême mise en valeur par les tuniques longues, cette lamentation est d’une beauté à couper le souffle. Le lyrisme des ports de bras et l’engagement de la cage thoracique dans l’ensemble des mouvements provoque une émotion poignante. Très vite seul sur scène, Orphée, (Nicolas Paul ce soir-là), nous livre sans filtre sa souffrance et sa vulnérabilité. Dès ce premier tableau on se surprend à préférer les danses de groupe, particulièrement puissantes, aux coups de projecteurs sur le rôle titre… Mais très vite, l’Amour (Charlotte Ranson), incarnée par une jeune fille, redonne l’espoir à l’amant malheureux : les Dieux l’autorisent à suivre sa belle aux enfers et à la ramener dans le monde des vivants, à la seule condition qu’il ne la regarde pas.

Violence

Ils leur assignèrent trois conseillers d’État, trois femmes de charge nommées les Furies, trois Parques pour filer, dévider et couper le fil de la vie des hommes. – Voltaire, Dictionnaire philosophique : Enfer.

Les Furies, vêtues de blanc, ainsi qu’un Cerbère à trois têtes, trois danseurs bien costauds en tabliers de cuir, surveillent l’entrée des enfers. Rien ne calme leur fureur, et les Dieux sont intraitables, malgré leurs offrandes. Ces fils qu’elles tissent évoquent les Moires (Parques grecques), déesses sévères qui choisissent la longueur du fil de la vie de chaque mortel, donc de son destin…  Face à leur danse ardente, ponctuée par les « Nein » du chœur, Orphée continue ses lamentations mélodieuses et touchantes, parvenant ainsi à calmer les Furies qui lui ouvrent alors les portes des enfers.

Paix

Une fois arrivé au Jardin des Bienheureux, Orphée et le public goûtent un moment de volupté ressourçant… Dans un décor austère mais paisible, les danseuses affichent un visage des plus sereins et une danse des plus fluides. La respiration, maître mot du tableau, apaise les réminiscences de la violence du précédent tableau et une douce ivresse gagne les spectateurs… On découvre enfin Eurydice, interprétée délicatement par Alice Renavand…


Mort

Seuls sur scène, Orphée et Eurydice marchent main dans la main. Fidèle à son serment, Orphée ne la regarde pas et l’ implore de lui faire confiance et de continuer à le suivre, sans explication. Ainsi, cet opéra dit aussi la difficulté de faire confiance à l’être aimé : succombant aux soupçons de sa belle, Orphée ose un regard… Eurydice meurt sur le coup, cette fois,  Orphée choisit de la retrouver dans la mort.