Isabelle Ciaravola, Ghislaine Thesmar & Hervé Moreau

Pour cette avant première, la cinémathèque de la danse a attiré de nombreux spectateurs, amateurs anonymes comme personnalités du monde de la danse. On aperçoit dans la salle Edward Villela, fils prodigue de Balanchine et directeur du Miami City Ballet à l’affiche des Étés de la Danse, Anne-Marie Sandrini, ex inspectrice de la danse, et au premier rang les danseurs de l’Opéra de Paris, Isabelle Ciaravola, Hervé Moreau et Myriam Ould Braham, dont nous apprécierons ensuite les performances à l’écran.

Sur scène, pour nous accueillir, Brigitte Lefèvre, directrice de la danse de l’Opéra de Paris, et Dominique Delouche, cinéaste réputé pour son travail avec les danseurs. C’est d’ailleurs un bel hommage que lui rend Brigitte Lefèvre, le remerciant de participer par son travail à l’archivage des ballets et à faciliter leur transmission aux générations futures. Ces quelques mots ont clairement orienté ma lecture du film.

On y découvre avec délectation cinq extraits de ballets : Le Palais de Cristal, Le Rossignol, La Somnambule, Sonatine et Liebeslieder Walzer que je ne connaissais pas (le répertoire de Balanchine étant extrêmement surveillé par sa fondation, ne danse pas du Balanchine qui veut, pas même le ballet de l’Opéra de Paris!). Ces cinq extraits illustrent le style de Balanchine :

Tout d’abord, la place de la femme dans la vision que se fait Mister B de l’esthétique d’un ballet. On découvre avec amusement des anecdotes racontées par ses anciennes danseuses (Violette Verdy, Ghislaine Thesmar, Alicia Markova…). Ainsi pour Balanchine, les femmes sont des bijoux qu’il aime mettre en valeur (au détriment de leurs partenaires, qu’il retient en coulisses pendant que la danseuse bénéficie de l’ovation du public!) et qu’il aime « posséder » à sa manière, en leur imposant par exemple de porter le parfum qu’il choisissait pour elle… De leur côté les danseuses jouaient le jeu : c’est pomponnées qu’elles arrivaient à l’échauffement matinal, n’ayant qu’une idée en tête, séduire leur Pygmalion. On comprend que les danseurs aient du mal à trouver leur place dans ce grand harem!

 

Produit de l’école classique russe, Balanchine est le fils spirituel du chorégraphe Marius Petipa et son style s’inscrit dans la tradition classique : en dehors poussé à l’extrême, cinquièmes croisées… Mais c’est également lui qui révolutionne le langage académique, le modifiant pour qu’il s’approche au plus près de la musique qui le porte :  introduction ponctuelle d’en dedans jazzy dans ses ballets, ce qui pour l’époque, le rappelle Alicia Markova, était très moderne. Ainsi, il prône une danse musicale et esthétique, où la beauté prend le pas sur le sens de la création. Ses ballets mettent en valeur la virtuosité technique de ses danseurs (ou plutôt danseuses!) : le dynamisme de ses variations pousse par exemple Violette Verdy à conseiller à Monique Loudières, de « faire des claquettes » avec ses pointes…

 

Comme présenté brièvement par Brigitte Lefèvre en début de soirée, ces captures de danse subliment les chorégraphies et facilitent leur transmission aux générations futures. Ces images émouvantes de partage d’expérience, de partage de sensations, de récits d’anciennes danseuses sont extrêmement touchantes. Le passage du Rossignol, où trois générations de danseuses s’entretiennent, en constitue le meilleur exemple. La jeune Myriam Ould Braham, sous le regard bienveillant d’Elisabeth Platel, déjà étoile depuis quelques années, et toutes deux encadrées par Alicia Markova, qui leur raconte avec tendresse la première de Rossignol en 1925, dirigée alors par le Grand Stravinsky, dans une chemise signée de Matisse… La beauté et la grâce de ses gestes n’ont pas décliné, de même que le dynamisme et le rayonnement de la pétillante Violette Verdy.

 

Grands absents de la projection, Mister B, fantôme planant au dessus de toutes ses créatures, et Ghilsaine Thesmar, grande inspiratrice de l’homme. Pour le premier, ce mal sera réparé lundi 11 juillet à 20h, lors de la projection d’une interview filmée à la cinémathèque de la danse.

Pour illustrer le style, un extrait de Rubis, du ballet Joyaux