Le 12 novembre dernier, Danse en Seine faisait sa rentrée à la Résidence du marais, le premier d’une série de rendez-vous autour du ballet américain. Cofondateur de la School of American Ballet et du New York City Ballet, ayant chorégraphié aussi bien pour Hollywood que pour Broadway, Georges Balanchine était tout désigné pour ouvrir ce nouveau cycle…Fils d’un compositeur géorgien, Georgi Melitonovitch Balanchivadze commence la danse sur un malentendu: venu accompagner sa soeur Tamara au concours d’entrée de la célèbre école de danse du Théâtre Mariinski, c’est finalement lui qui sera retenu!

Il ne laisse pas pour autant tomber ses études de piano et ce don pour la musique lui permettra de subsister pendant les années noires de la Révolution, en jouant dans les cabarets et les cinémas muets. C’est également cette sensibilité musicale exceptionnelle qui lui permettra de dialoguer d’égal à égal avec de grands compositeurs tels qu’Igor Stravinski, qui lui inspirera une trentaine de ballets.

Devenu danseur, il saisit l’opportunité d’une tournée avec « Les danseurs de l’Est soviétique » en République de Weimar, pour quitter l’Union Soviétique. Les danseurs sont alors engagés par Serge Diaghilev dans sa troupe des Ballets Russes.

Serge Diaghilev – Photographie New York, 1916 © BnF-BmO

Trouvant  le nom de Balanchivadze peu prononçable, Diaghilev le rebaptise Balanchine, il est immédiatement impressionné par ses talents de chorégraphe… Son 1er ballet: l’Enfant et les sortilèges (1925), viennent ensuite Le chant du rossignol (1925), Apollon Musagète (1928) et le Fils prodigue (1929).

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Ces ballets fondent le style de Balanchine: une virtuosité toute musicale, sans narration particulière, un jeu sur le déséquilibre et les figures acrobatiques, une extrême vivacité des mouvements et une grande pureté des lignes.

Blessé au genou, Balanchine se consacre désormais à la chorégraphie. Après le décès de Diaghilev, les Ballets russes se désagrègent. Les années d’après sont incertaines: après avoir collaboré à un film à Londres, Balanchine est engagé comme maître de ballet au Ballet royal de Copenhague, puis règle des comédies musicales à Londres, avant de revenir comme maître de ballet aux Ballets russes de Monte-Carlo.

C’est durant cette période que Balanchine va rencontrer Lincoln Kirstein qui bouleversera sa vie. C’est un jeune et riche américain, fervent admirateur de ballets, qui rêve de créer un grand ballet classique dans son pays. Il propose à Balanchine de gagner les États-Unis. Balanchine accepte mais à une condition: qu’il puisse d’abord fonder une école, The School of American Ballet, qui aujourd’hui forme encore les plus grands danseurs.
Il crée son premier ballet américain pour ses élèves, Sérénade (1934).

En moins d’un an, Balanchine et Kirstein parviennent à créer une vraie compagnie, l’American Ballet, accueilli en résidence par le prestigieux Metropolitan Opera. Mais la direction s’en désintéresse et la compagnie est finalement congédiée. Naturalisé américain en 1939, il travaille alors une dizaine d’années pour Broadway et Hollywood (l’objet de notre prochaine conférence à la Résidence du Marais).

http://www.youtube.com/watch?v=GJCoBB206uk

En 1946, Balanchine et Kirstein retentent l’aventure et fondent le Ballet Society, ils présentent Les Quatre Tempéraments. En 1948, le directeur propose de les accueillir au New York City Center, sous le nom du New York City Ballet, aujourd’hui une des plus grandes compagnies du monde.

Au cours des 15 années de résidence, Balanchine est au sommet de sa créativité. Il explore toutes les possibilités offertes par le vocabulaire classique, utilisant les partitions du répertoire (Lac des Cygnes, Oiseau de feu), osant les incursions dans le jazz (Modern jazz variations from Gunther Schuller), la musique éléctronique (Electronics) et dodécaphonique (Episodes) ou encore la musique d’extrême-orient (Bugaku).

La musique est réellement la clé de voûte de son travail: « Le ballet est avant tout une affaire de tempo et d’espace: l’espace délimité par la scène, le temps fourni par la musique ». S’agissant de « voir la musique et écouter la danse », il conçoit ses ballets en totale communion avec les intentions du compositeur et cherche dans la danse le plaisir des figures et des déplacements du corps sur la musique, sans souci narratif. Jewels (1967) est alors salué par la critique comme le premier grand ballet classique abstrait.

http://www.youtube.com/watch?v=4sVNEC47cH4

Que peut-on dire pour mieux connaître Mr B.?
Balanchine, se voulant l’héritier de la tradition classique russe (Marius Petipa) est sans doute le plus américain des chorégraphes. Il a su adapter la danse classique à l’esprit du Nouveau Monde et expérimente ses innovations sur des danseuses jeunes, minces, aux longues jambes, comme pour mettre en valeur l’essence de la danse qu’il recherche. Sans jamais s’écarter de la rigueur du vocabulaire académique, il a cependant l’audace de prendre le parti pris d’une beauté formelle sans superflu: il dépouille la scénographie et réduit les costumes à collants/justaucorps pour les femmes, collant/T-shirt pour les hommes, ce qui avait le don de déplaire aux plus conservateurs.


Son amour des femmes était légendaire. Pour lui la danse ne pouvait être que féminine, adorant le corps des femmes, il épousait souvent les muses qu’il avait lui-même façonnées.

Terminons sur cette phrase qui satisfera les plus féministes d’entre nous:

« Les chorégraphes ne sont pas des créateurs. Nous sommes des chercheurs. A chaque musique correspond une danse. Nous nous efforçons de la trouver. La danse est faite pour les femmes, les hommes devraient rester à la maison et faire la cuisine. »

À Danse en Seine, on aime Balanchine, quelques autres articles autour de ce grand monsieur:

>> à l’occasion de l’avant-première du film « Balanchine in Paris »

>> à l’occasion de la venue du Miami City Ballet à Paris